Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
1 mai 2010 6 01 /05 /mai /2010 22:36

L’ombre

 

Texte de Maud Tardieu:

« L’ombre approche sournoisement, cachant les contours, les déformant, rendant suspicieux tout ce qui est enveloppé d’indécision, rendant aux autres un prolongement artificiel, parfois, pourtant, de je ne sais où allongeant démesurément une silhouette. Et l’ombre insidieusement enveloppe un arbre, puis une place, et l’ensemble de l’espace est son repos total. Elle se couche entourant, agrandissant tout sur son passage pour prendre toute place disponible. Elle invite à l’endormissement de tout être vivant. L’ombre monstrueuse a pris toute vie. Elle a sa revanche sur l’éclat du soleil, le bruit, elle est triomphante.

L’ombre se permet d’agrandir, de passer devant, ou de rester en arrière, épousant les contours déformés. Elle ronge, enfle, prend tout sur son passage.

Vous n’êtes plus vous-même, vous lui appartenez. Elle se joue de vous, elle est gagnante. »

La malle de Maud (7)

Partager cet article
Repost0
20 avril 2010 2 20 /04 /avril /2010 23:49

Addressed to Patrice Tardieu on a small piece of cardboard:

« My Pat,

All my life, all my strength, all my courage is you. You have taught me what is the strongest in oneself. You give me the « not-forgotten », you give me « the beyond » and the regret not to have given you more. It’s you who gave me « life ».

I give you the intangible, the non-visible, the feeling without words, the silent access of great worth, the « near » so profound and all my tenderness.

Your mum".

Patrice Tardieu, in answer to a letter he has received after the death of Maud: No, I don’t have « the happiness to read the writings » of my mother, because I can’t read them, my eyes blur themselves so much with tears; what she writes moves me. I blame myself not to have enough returned her love-tenderness.

    ..............................................................................Maud’s trunk (6)

Partager cet article
Repost0
18 avril 2010 7 18 /04 /avril /2010 23:52

La malle de Maud(6)

Adressé à Patrice Tardieu, sur un petit morceau de carton:

« Mon Pat,

Toute ma vie, toute ma force, tout mon courage, c’est toi. Tu m’as appris ce qui est le plus fort en soi.

Tu me donnes le « non-oubli », tu me donnes « l’au-delà », et le regret de ne pas t’avoir donné plus. C’est toi qui m’a donné « la vie ».

Je te donne l’impalpable, le non-visible, la sensation en dehors des mots, l’approche silencieuse, d’une grande valeur, le « près » si profond et toute ma tendresse-amour.

Ta maman".

 

Patrice Tardieu; réponse à une lettre qui lui a été envoyée après la mort de Maud: Non, je n’ai pas « le bonheur de lire les textes » de ma maman car je n’arrive pas à les lire, mes yeux se brouillent tellement; ce qu’elle écrit me touche. Je me fais le reproche de ne pas avoir assez répondu à son amour-tendresse.

Partager cet article
Repost0
12 avril 2010 1 12 /04 /avril /2010 22:21

« A pain on which you can rely, to go further, without leaving the one who seems not to be anymore. » (written on a small piece of paper by Maud, as all the other texts).

 

An account by Patrice Tardieu of the « departure » of Maud Tardieu, his mother, written two days later:

« Perhaps she called me in the night? All alone in the dark?

What could I have done?

At least take her hand…

I didn’t hear anything. I was sleeping.

Anyhow the noise of the street in the room in which I sleep is so that I cannot hear if someone is calling…

I didn’t even think of it.

She had said to me: « See you tomorrow morning, at breakfast, My Pat .»

The morning after, I was preparing her breakfast.

She was dead. I had opened the inside shutters, pulled the curtains.

I try to wake her up, she does not move, she doesn’t say as she did every morning: « Good morning, My Pat. », « have you slept well? », « how are you this morning? »

She lived for me, with me, in me. She believed in me.

My sole presence comforted her; my peaceful way of being there when I worked near her, in her room, reassured her.

In the evening, we would look at a film; when I went in the shower room, just beside, which stayed with the lights on, she was always surprised: « Already? » (« you’re going »). I would put the light out of her bedside lamp, lower the adjustable back of her bed. She would go to sleep while I was shaving and cleaning myself. But, nearly always, from the dark, a voice would resound: « Tomorrow morning, maybe we could take together our breakfast? »

I answered: « Maybe… »

.

……………Maud’s trunk (5)
Partager cet article
Repost0
10 avril 2010 6 10 /04 /avril /2010 23:15

 

 

« Une peine, c’est sur quoi on s’appuie, pour aller plus loin, sans quitter la personne qui semble n’être plus. »

(écrit sur un petit morceau de papier par Maud, comme tous les autres textes).

 

Récit de Patrice Tardieu sur le « départ » de Maud Tardieu, sa mère,écrit deux jours plus tard:

Peut-être m’a-t-elle appelé dans la nuit? Toute seule dans le noir?

Qu’aurai-je pu faire?

Au moins lui tenir la main…

Je n’ai rien entendu. Je dormais.

De toute façon le bruit de la rue dans la chambre où je dors est tel que l’on entend pas si quelqu’un appelle…

Je ne me suis douté de rien.

Elle m’avait dit: « A demain, au petit déjeuner, mon Pat. »

Le lendemain matin, je préparais son petit déjeuner. Elle était morte. J’avais ouvert les volets, tiré les rideaux.

J’essaie de la réveiller, elle ne bouge pas, ne dis pas comme tous les matins: « Bonjour Mon Pat », « Tu as bien dormi? », « Comment vas-tu? »

Elle vivait pour moi, avec moi, en moi. Ma seule présence la réconfortait; ma « présence silencieuse » quand je travaillais auprès d’elle, dans sa chambre.

Le soir, on regardait un morceau de film; quand j’allais me laver dans la salle de bain qui restait éclairée à côté , elle était toujours surprise: « Déjà? »(« tu pars? »). J’éteignais la lampe de chevet, je baissais le dossier de son lit. Elle s’endormait pendant que je me rasais. Mais le plus souvent, de l’obscurité résonnait: « A demain; on prendra le petit déjeuner ensemble, peut-être?.. », je répondais: « peut-être… ».

La malle de Maud(5)

Partager cet article
Repost0
2 avril 2010 5 02 /04 /avril /2010 23:02

La malle de Maud (4)

« Être si près et ne pas s’embrasser et laisser l’espace vous séparer;

douleur,

une souffrance très forte, touchée du bout des doigts. La tension est très profonde et devient insupportable. »

Après la vie

« Quand j’irai habiter ailleurs »

« Je suis d’une tranquillité absolue, je ne suis plus dans le tourbillon de la vie. »

Patrice Tardieu:

tout le monde me dit « Votre mère est morte dans son sommeil, c’est ainsi que l’on voudrait tous mourir; c’est la plus belle mort; de plus, elle est morte à la maison auprès de son fils. »

Oui, mais moi,  je ne voulais pas qu’elle meure. Elle me manque. Je comprends maintenant qu’elle ne pouvait pas vivre sans moi, et moi sans elle. Mais elle « habite » ailleurs. Elle n’est plus que cendres…C’est pourquoi, pour qu’elle « vive » encore, je publie ses textes.

                                      .......................................................Maud’s trunk (4)

« To be so near and not kiss one another, let space separate us; ache,

sharp pain touched nearly by the finger’s end. The tension goes deep inside and becomes unbearable. »

After my life

« when I will dwell elsewhere »

 

« I am totally calm,

I am not anymore in the turmoil of life. »

Patrice Tardieu:

everyone tells me « Your mother died during her sleep. It’s like that we all would like to die; it’s the best death. And moreover, she died at home, with her son beside her. »

Yes, but I didn’t want her to die. I miss her. I understand now that she could not live without me and me without her. But she  « dwells » elsewhere. She is now ashes…It’s why, so that she still « lives », I put on line her writings…

Partager cet article
Repost0
18 mars 2010 4 18 /03 /mars /2010 00:10

La malle de Maud (3)

Souffrance

« Dans le moment où le corps n’est qu’un sanglot »

L’impossible et le merveilleux

Phrase de Patrice, quand il était enfant, à sa maman, au moment de dormir:

« Je ne veux plus pouvoir fermer les yeux, je veux te regarder toujours .»

Patrice Tardieu:

Ma maman me rappelait que quand j’étais enfant

Je pleurais

« Pourquoi pleures-tu? » me demandait-elle.

Je répondais: « Parce que tu vas mourir .»

…et j’étais inconsolable.

Maintenant, elle ne peut plus me dire:

« Mais je suis là… »
…………………................................................................

Suffering

« when your body is only a sobbing sigh »

The impossible and the extraordinary

Words of Pat when he was a child to his mother when going to sleep: « I don’t want to close my eyes, I want to look at you always. »

Patrice Tardieu: my mother reminded me that when I was a young child

I cried my eyes out.

« Why do you cry? » she asked.

I answered: « Because you are going to die. »

…Nobody could comfort me.

She can’t anymore say to me:

« But I am here… »

Maud’s trunk(3)
Partager cet article
Repost0
11 mars 2010 4 11 /03 /mars /2010 23:38

La malle de Maud (2)

Lettre retrouvée adressée à Patrice Tardieu,janvier 1997

« Mon Pat,

Ces mots prononcés sont là comme une tendresse profonde. Ils donnent l’essence de soi-même. Ils sont doux en eux-mêmes; les prononcer apaise, rapproche, apporte le sourire, la joie. Ils sont silencieux du fond de soi, calfeutrés, vivants, accompagnant les jours, en les entourant d’une impression ouateuse, calme, chaude et colorée comme un tableau de Gauguin ou le tien. Rien n’atteint un tel degré de richesse dans ma vie.

Maman »

Quand Jacques, son frère aîné, est mort, elle écrivit ce mot sur un bout de papier: « Après, quand je dormirai près de toi, Jacques, mon frère et je vivrai encore en lui, dans mon fils ».

...............................................................................................Maud’s trunk (2)

Letter to Patrice Tardieu, January 1997,rediscovered

« My Pat,

These uttered words are like a profound tenderness. They give the essence of oneself. They are soft in themselves. To utter them calms, puts us together, brings a smile , joy. They are silent in ourselves, they cuddle, living with us during the days, surrounding us with a woolly impression; full of calm, warm and coloured like a Gauguin painting or one of yours. Nothing reaches such a degree of richness in my life.

Mum »

When, Jacques, her older brother, died, she wrote on a piece of paper: « Afterwards, when I will sleep beside you, Jacques, my brother, I will still live in him, through my son. »

Partager cet article
Repost0
7 mars 2010 7 07 /03 /mars /2010 22:08

La Malle de Maud

Maud est morte. Elle avait de beaux yeux bleus qu’on oubliait.

Voici quelques bouts de papiers retrouvés.

« Tu ne peux t’appuyer sur l’inexistant,alors tu crées l’invisible. »

« Le temps passe sans heurt, l’espace semble infini, l’heure reste entière, le rêve est vraisemblable. »

« Et si Dieu attendait que les hommes deviennent raisonnables? »

« L’amour se résume à avoir besoin l’un de l’autre. »


…………………….Maud’s trunk

Maud just died. She had beautiful blue eyes that we forgot. Here is her writings on tiny bits of paper.

« You can’t rely on the inexistent, so you create the invisible. »

« Time goes by without clash, space seams infinite, the hour is plentiful, the dream truthful .»

« And if God was waiting that humanity becomes reasonable? »

« Love can be summarized: to really require one another. »

(translation by Patrice Tardieu, her son).

Partager cet article
Repost0