Les dernières paroles (3)

A Patrice Tardieu de la part de Julien:

"Cher Patrice,

Je suis allé voir le blog de maud tardieu.C'est très émouvant.
Les évènements surviennent quand on ne les attend pas.Alors, pour mieux se préparer à ce qu'on n'attend pas, il vaut mieux anticiper et se dire que peut-être demain ne sera pas comme hier.
Je me le dis tous les jours quand je quitte ma mère de la maison de retraite où je vais la voir.
Les matheux diront qu'il n'y a pas continuité de la vie car il y a un saut mais il y a continuité de la mémoire dans laquelle on peut puiser beaucoup d'énergie.
Je me souviens du décés de mon père , un vendredi, à l'hôpital, à 87 ans.Il y était  depuis une semaine.
Il est mort attaché( pieds et mains), lui qui avait toujours vécu libre comme l'air dans ses vignes.
Probablement que l'équipe soignante n'avait pas trouvé d'autres moyens pour gérer la situation.
J'aurais préféré qu'il parte en paix, dans sa maison, là où il avait toutes ses racines.Peut-être lui auraient-elles servi pour respirer un peu plus d'air.
Enfin cela me laisse un remords, tout comme celui de ne pas avoir su prendre le temps d'interroger son compagnon de chambre qui aurait pu me parler des circonstances de son décés.
Mon deuxième remords est de ne pas lui avoir parlé le jour précédent.
 J'ai fais un bref passage dans sa chambre, il s'est retourné vers moi, j'ai vu une larme dans ses yeux.Je pensais que la situation allait s'arranger.Aurait-il pu parler?
Je ne crois pas que, les jours précédant son décés, il arrivait à parler à ma mère.
Il sera parti sans un témoin qui puisse dire ce qu'il avait vécu.
Mon troisième remords est de ne pas l'avoir vraiment aidé quand j'étais jeune prof sur le plan matériel. Certes, un jeune prof (certifié à l'époque ) n'a pas beaucoup de moyens, mais il y avait la place de faire mieux.
Comme dit la chanson: "Quand on est jeune, on n'a pas le coeur assez grand".
Voilà les quelques réflexions que suscitent en moi les textes que je lis sur le blog de ta maman.
Bien cordialement.
Julien"